Sobremesa, Montmartre : l’Asie, un verre à la main
- Tanja Aksentijevic
- 19 mai
- 2 min de lecture
Mise en bouche

Rue Caulaincourt, au détour d’un trottoir calme où l’on entend encore les talons sur les pavés, Sobremesa se cache comme un secret bien gardé de Montmartre. À deux pas des escaliers du Sacré-Cœur, ce bar à vins naturels réchauffe les soirs parisiens d’un esprit rare : celui de la lenteur joyeuse, de la cuisine mouvante, et des verres qui s’entrechoquent à la lumière tamisée. Chez Sobremesa, on ne vient pas dîner, on vient rester. Le nom – cette tradition ibérique qui désigne le temps suspendu après le repas – donne le ton. Ici, les soirs s’étirent, les conversations se croisent, les rires s’enroulent autour des verres de chenin vivants. L’espace est brut mais doux : comptoir en inox, murs laissés nus, étagères remplies de quilles choisies par Emilien, moitié du duo fondateur avec Marie, en couple à la ville comme dans le projet. Sobremesa, c’est aussi une scène culinaire en mouvement. Chaque mois, un(e) chef(fe) en résidence prend le contrôle des fourneaux pour redessiner la carte. Pas de formule figée : seulement des élans, des voyages et une signature qui s’exprime entre woks brûlants, siu mai délicats ou spring rolls fuselés. Lors de mon passage, la cuisine vibrait d’Asie, mais revisitée avec audace : des crevettes juteuses roulées serrées dans une pâte croustillante, une « Pi» carotte–cacahuète relevée d’un chili maison, sucré et salé à la fois, presque insaisissable. Et un fried chicken – baptisé « Le Tang ou » – doré comme un rêve, trempé dans le croustillant sans jamais perdre son moelleux. Les siu mai, quant à eux, offrent un contrepoint délicat : bouchées vapeur, fines, parfaitement cuites, à la texture presque soyeuse. Le tout escorté d’un chenin pétillant du Val de Loire, minéral et frais, qui rince le palais et appelle la gorgée suivante.

Ici, tout est question de rythme. Celui de la playlist hip-hop en fond, qui donne de la tension aux silences entre les plats. Celui des gestes précis des chef(fe)s, concentrés mais souriants. Celui du service, rapide sans jamais brusquer. Sobremesa n’est pas un restaurant. C’est un interstice, un endroit où l’on passe et où l’on reste, où l’on goûte, où l’on s’attarde. Et dans une ville où la convivialité se monnaye souvent au prix fort, Sobremesa garde les pieds sur terre : prix accessibles, produits frais, partages vrais. Une table libre sans ostentation, mais avec du caractère, de la finesse, et cette vibration qu’on reconnaît toujours dans les lieux habités. On vient pour un verre. On reste pour la chaleur. Et on revient pour le goût.