Après la cavale – la rédemption : Rocancourt, le film, un documentaire de David Serero
- Flora di Carlo
- 31 août 2024
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 oct. 2024
Le réalisateur et artiste David Serero revient avec un documentaire fascinant sur l’un des « frenchi » les plus connus des états Unis, Christophe Rocancourt. Intitulé Rocancourt, le film, ce documentaire offre une plongée dans la vie tumultueuse du personnage fascinant Rocancourt, mettant en lumière non seulement ses exploits d’escroc mais aussi son parcours vers la rédemption.
Christophe Rocancourt, surnommé le "faux Rockefeller", a connu une enfance tumultueuse ponctuée de violences multiples. Né en Normandie en 1967 dans une famille dysfonctionnelle, Rocancourt a été confronté dès sa prime enfance à la dure réalité de la vie. Abandonné par sa mère, il a grandi dans un orphelinat où il a été exposé à la violence et à la négligence. Ces premières expériences ont indéniablement façonné son caractère et ses choix de vie ultérieurs. David Serero utilise une narration poignante et des témoignages inédits pour montrer comment cette enfance difficile a contribué à la création de l'escroc légendaire. Le documentaire dévoile les facettes multiples et complexes de la personnalité de Rocancourt, personnage tout à la fois vulnérable et déterminé.
Travelling arrière : Dans les années 1990, Christophe Rocancourt se fait connaître pour ses escroqueries audacieuses. Après s'être installé à Los Angeles, il repère un café français près de Santa Monica, le Café Maurice. C'est là qu'il rencontre Charles Glenn, un ancien couturier français avec un joli carnet d’adresses, qui retiendra immédiatement l'intérêt de Rocancourt. Lors de leur première rencontre, Rocancourt se présente comme un boxeur ayant un combat prévu le soir même à Los Angeles. Il demande à Glenn de le conduire à la salle de sport, mais une fois arrivé, il simule un appel téléphonique et annonce que son adversaire a déclaré forfait. De retour au Café Maurice, il demande à Glenn de dire à ses amis qu'il a gagné le combat par KO au premier round, offrant 500 $ pour ce service. Glenn accepte, et Rocancourt commence à être introduit dans les cercles influents d'Hollywood.
Durant cette période, Rocancourt vit dans la villa d'un ami, faisant croire qu'il va l'acheter. Il dépense sans compter en soirées, voyages en jet privé, voitures de luxe, et champagne, entouré de femmes séduisantes. Son charme et son audace bluffent tout le monde. Il se lie d'amitié avec Mickey Rourke, et ensemble, ils font les gros titres en s'embrassant devant les photographes pour un grand magazine homosexuel. Rocancourt se rend ensuite à New York, où il se fait passer pour un membre de la famille Rockefeller ou le fils de Dino De Laurentiis, dupant de nombreuses personnes influentes et amassant des millions de dollars grâce à son intelligence exceptionnelle. Le documentaire sur sa vie relate ces années de fraude et de fête à Los Angeles, mais aussi sa cavale et ses séjours en prison. Le réalisateur ne glorifie pas ses actes criminels, mais cherche à comprendre les motivations derrière ces délits. Ce qui distingue ce documentaire c'est son exploration de la rédemption et du pardon.
Après son arrestation et son emprisonnement dans des prisons de haute sécurité, la même où Jimmy Hoffa a été détenu, Rocancourt cherche à se racheter. Il publie des livres racontant son parcours et tente de rembourser certaines de ses victimes. David Serero, le réalisateur, capture cette quête de rédemption avec une grande sensibilité, montrant un homme en quête de paix intérieure et de pardon, non seulement de la part de ses victimes, mais aussi de lui-même. Le documentaire pose la question de la possibilité de réhabilitation pour ceux qui ont commis des actes répréhensibles et interroge également la société sur sa capacité à pardonner.

Pour Rolls David Serero, le réalisateur et Christophe Rocancourt sont intervenus dans cette interview :
Interview David Serero :
Flora di Carlo : Si je résume bien : vous avez raconté une belle histoire sur quelqu'un qui savait lui-même raconter des histoires. Qu'est-ce qui vous a séduit chez Christophe Rocancourt ? Qu'avez-vous trouvé de particulièrement fascinant dans ce personnage ?
David Serero : Son parcours, le courage de tomber et de se relever, surtout dans une société où on aime bien enfoncer quelqu'un quand il est déjà à terre. Une image qui m'a marqué enfant est celle d'une bagarre où un passant donne un coup à quelqu'un qui est déjà au sol, simplement par envie de frapper. Cela reflète la nature humaine. Ce que ce film m'a appris, c'est la résilience de Rocancourt. Chaque étape de sa vie est un film. Quand on réalise un documentaire, la personne concernée devient l'acteur principal.
Il est arrivé à Los Angeles à 22 ans sans rien, après une enfance difficile. Rapidement, il prenait des jets privés, était reçu à la Maison Blanche par Bill Clinton, ouvrait des magasins et des boîtes de nuit, et côtoyait des figures telles que Mohamed Ali et Elton John. Trois ans auparavant, il ne connaissait personne, n'avait pas un sou et ne parlait pas anglais. Sa trajectoire est fulgurante. Il n'avait pas d'autre choix que de se débrouiller. Il aimait le jeu et misait tout le temps.
Flora di Carlo : Qui escroquait-il ?
David Serero : Une personne honnête ne peut pas se faire escroquer. Les femmes, par exemple, ont un sixième sens. Les personnes qu'il a escroquées étaient souvent vaniteuses et elles-mêmes malhonnêtes. Le film m'a beaucoup appris sur la condition humaine. Lorsqu'il ajoutait "de" à son nom, les portes des châteaux s'ouvraient pour lui, et la police le laissait passer sans encombre.
Flora di Carlo : Quels étaient les principaux messages que vous vouliez transmettre, en plus de ceux sur son enfance et sa rédemption ?
David Serero : Le message central était "Ne me jugez pas, les tribunaux s'en sont déjà chargés." C'est la justice qui juge. Ce qui est dramatique, c'est qu'après avoir passé cinq ans en prison à haute sécurité, il doit encore faire face à un jugement moral. Le film l'a aidé sur ce point.
Flora di Carlo : Comme le dit si bien Christophe Rocancourt : "On n'attire pas les abeilles avec du vinaigre mais avec du miel." Comment avez-vous réussi à l'attirer pour qu'il accepte de se confier à vous ?
David Serero : Je n’ai jamais forcé les choses. J'avais très envie de réaliser ce projet, alors j'ai simplement contacté son avocat. Il a apprécié mon travail, et tout s'est fait de manière naturelle. Je n'étais pas là pour juger. Ce qui lui a plu, c'est l'approche humaine. Je ne suis pas journaliste ; je voulais juste le laisser parler sans m'interposer entre lui et la caméra.
Interview avec Christophe Rocancourt
Flora di Carlo : En changeant souvent d'identité, n'avez-vous jamais eu peur de vous mélanger les pinceaux ?
Christophe Rocancourt : Non, jamais, car je suis dedans. Je garde toujours mon instinct en éveil. L’analyse de la personne en face de moi me passionne.
Flora di Carlo : Pourquoi avez-vous choisi de vous faire passer pour un boxeur ? Comment cela vous a-t-il propulsé dans le cercle des célébrités ?
Christophe Rocancourt : J’avais pratiqué la boxe étant jeune et j'avais un look de boxeur, donc ça a fonctionné. J'ai donné un billet à une personne influente de L.A (Charles Glenn) pour qu’il confirme que j'avais remporté un grand combat par KO. Ça a marché et j'ai construit là-dessus. Ensuite, j'ai évolué.
Flora di Carlo : À 22 ans, aviez-vous une idée précise de ce que vous alliez faire et accomplir plus tard ?
Christophe Rocancourt : Seulement que je voulais m'extraire de ma condition sociale et être stable. Je voulais juste avoir de quoi manger et un endroit où dormir.
Flora di Carlo : À quelles périodes de votre vie avez-vous eu peur, et pourquoi ?
Christophe Rocancourt : J’ai toujours eu peur. L'homme intelligent a peur. L'idiot ne craint rien. La peur est un ressort humain. Mais lors de ma cavale, poursuivi par le FBI, les US Marshals et Interpol, j’ai non seulement eu peur mais j'étais aussi inquiet.
Flora di Carlo : Que faisiez-vous pendant votre cavale ? Avez-vous pensé à changer d'identité ou à recourir à la chirurgie esthétique ?
Christophe Rocancourt : Non, pas de chirurgie, car mes empreintes digitales m'auraient trahi. Mais oui, j'ai changé d'identité à plusieurs reprises. Je cherchais à fuir vers le Mexique puis le Canada, où j'ai finalement été arrêté.
Flora di Carlo : Quelles anecdotes de votre vie vous ont le plus marqué ? Y en a-t-il certaines qui ne sont pas dans le documentaire ?
Christophe Rocancourt : Comme l’a dit David Serero, on pourrait faire un documentaire sur chaque année de ma vie. Il y a eu beaucoup de moments marquants, mais les plus significatifs sont dans le film.
Flora di Carlo : Quelles sont les anecdotes les plus drôles que vous avez vécues à Los Angeles ?
Christophe Rocancourt : Une qui me vient à l'esprit s'est déroulée à New York. Je me suis fait passer pour le fils du producteur de films De Laurentiis. J'ai effectué mon enregistrement à l'hôtel Carlyle de New York. Le concierge est venu me voir le lendemain en disant : "Votre sœur est ici !". Elle était vraiment une De Laurentiis. J'ai dû improviser et anticiper, et ça s'est parfaitement déroulé.
Flora di Carlo : Pendant votre incarcération, qu’est-ce qui vous a empêché de sombrer dans la dépression ?
Christophe Rocancourt : Je me suis adapté immédiatement, en me disant que ma vie était désormais ici. J'ai commencé à écrire mon livre qui est devenu un best-seller. J'ai fait du sport, avec une discipline de 1000 pompes par jour. La chance que j'ai eue est que j'étais célèbre. On parlait de moi à la télévision et dans la presse, donc j'étais un prisonnier à part.
Flora di Carlo : Pensez-vous avoir eu de la chance à différentes étapes de votre vie ?
Christophe Rocancourt : Oui, la main de Dieu a été avec moi tout au long de ma vie. Sans elle, je ne serais pas là aujourd’hui. Il aurait été impossible de survivre à ce que j'ai vécu. L'époque dans laquelle j'ai vécu favorisait aussi les relations humaines. Aujourd'hui, ce serait impossible.
Flora di Carlo : Qu'est primordial pour réussir une escroquerie ? Les failles ou les défauts de la nature humaine vous ont-ils aidé, et lesquels en particulier ?
Christophe Rocancourt : L'homme est vaniteux et toujours avide de plus. Un homme honnête ne peut pas être escroqué. En raison de ma jeunesse difficile, j'ai appris à connaître très bien les êtres humains et la condition humaine. Je peux rapidement savoir qui est qui. Cela m'a beaucoup servi tout au long de ma vie.

Rocancourt, le film est bien plus qu’un simple documentaire sur un escroc. C’est une œuvre profonde qui explore les thèmes universels de la souffrance, de la résilience et de la rédemption. David Serero réussit à peindre un portrait nuancé de Christophe Rocancourt, un homme ordinaire a l’intelligence extraordinaire qui a purgé sa peine. Ce documentaire invite les spectateurs à réfléchir sur le poids de l’enfance dans la formation de l’identité et sur la capacité de chaque individu à changer, même après avoir touché le fond. En fin de compte, il s’agit d’une histoire sur l’humanité, avec toutes ses imperfections et ses possibilités de renouveau.
Flora di Carlo